Etats-Unis - Election présidentielle 2000 - Résultats par Comtés

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Election présidentielle 2000 : les deux Amérique

L'étude de la carte des résultats finaux par comtés de l'élection présidentielle américaine de 2000 permet d'effectuer une lecture beaucoup plus fine des différentes facettes de l'élection qu'une simple carte par états. En particulier, elle permet de mettre à jour une société fortement fragmentée, souvent selon des lignes ethniques.

George W. Bush s'est donc imposé officiellement, mais d'un rien. Pourtant, la carte est totalement dominée par les couleurs républicaines. C'est dire que l'essentiel des régions rurales du pays ont soutenu le candidat républicain.

C'est dans les hautes plaines et dans l'ouest pionnier que George W. Bush obtient ses scores les plus probants. Dans trois états de l'union, tous les comtés lui donnent la majorité : Le Nebraska, le Wyoming et l'Utah, trois états représentatifs d'un ouest américain où l'on compte avant tout sur ses propres forces pour vivre et où toute intervention fédérale est vue d'un mauvais oeil. Au-delà de ce premier constat, c'est toute la région des hautes plaines, du « panhandle » texan au « Big Sky Country » du Montana, qui plébiscite le candidat républicain, accompagnés en cela de l'ouest « vide » et très conservateur, représenté par l'Utah, l'Idaho et l'essentiel du Nevada, voire également des parties intérieures des états de la côte ouest.

Le second fief de George W. Bush est la « Bible Belt », c'est-à-dire le sud. Il en remporte tous les états, du Missouri à la Floride et du Texas à la Virginie, en se permettant au passage le luxe de devancer son opposant dans l'état de ce dernier, le Tennessee. Pour autant, pour être large, sa victoire y est nettement plus mitigée que dans l'ouest pionnier du pays : c'est avant tout dans les régions rurales et dans les banlieues de ces états qu'il y réussit ses meilleures scores, alors que l'essentiel des villes lui échappe, ainsi par ailleurs que l'ensemble des comtés noirs de la région, un effet particulièrement visible le long du Mississippi et le long d'une chaîne de comtés courant le long des Appalaches de la Louisiane à Washington.

Mais George Bush a sans doute remporté la victoire ailleurs, dans le nord du pays. Il réalise en effet des scores excellents dans les régions rurales de la « Rust Belt », emportant au passage des états cruciaux comme l'Ohio, l'Indiana et la Virginie Occidentale, et manquant de peu le coche en Pennsylvanie. Il n'est guère que dans l'Upper Midwest où le syndicalisme paysan est encore fortement implanté que la victoire lui échappe dans de nombreux comtés ruraux.

A l'inverse, Al Gore, qui a pourtant remporté le vote populaire, apparaît ne pas avoir de territoire. L'essentiel de ses victoires sont en effet urbaines et toutes les grandes mégapoles du pays ou presque le plébiscitent. Pas de grand chelem urbain pourtant : Al Gore laisse en effet échapper assez logiquement les comtés urbains du Texas (toutes les grandes villes, sauf El Paso, y soutiennent le gouverneur local), mais également quelques villes de l'est comme Cincinnati (Ohio), Indianapolis ou encore Jacksonville (Floride); des villes qui pèsent très lourd à l'heure du décompte final.

Le même constat peut être fait de l'autre côté du pays, où il réalise également un carton dans les régions urbaines. Seules Phoenix et San Diego lui échappent ; et même si l'essentiel des comtés intérieurs de la côte ouest soutiennent son opposant, la victoire de Gore dans les villes côtières lui assure la victoire en Californie, en Oregon et dans l'état de Washington. Par ailleurs, il manque de peu la réalisation du même coup dans le Nevada, où son avance à Las Vegas n'est pas loin de renverser la tendance républicaine du reste de l'état. Plus prosaïquement, le candidat démocrate réalise d'excellents scores dans les nouvelles villes high-tech des montagnes rocheuses, de Denver à des endroits plus inattendus comme les Sawtooth Mountains dans l'Idaho, ou Butte dans le Montana.

Mais en-dehors des villes, le candidat démocrate ne s'assure que quelques terroirs. Celui, devenu traditionnel, de la Nouvelle Angleterre où trois états lui offrent l'ensemble de leurs comtés (Massachussets, Connecticut et Rhode Island) et où seul le New Hampshire, bastion républicain traditionnel, lui échappe. Le Nord-Ouest est également l'un des rares endroits du pays où les banlieues le préfèrent à George Bush, ce qui n'arrive jamais, par exemple, dans le sud.

Dans le Midwest, l'alliance des villes démocrates et du syndicalisme rural lui permettent de remporter de courtes victoires dans tous les états de la région, de l'Illinois au Michigan et au Minnesota. Les campagnes plus conservatrices du Lower Midwest lui ôtent en revanche la victoire dans l'Ohio, l'Indiana, le Kentucky et la Virginie Occidentale. Ailleurs, et notamment au sud, les villes ne sont plus accompagnées que des comtés noirs, et cette coalition ne fait plus le poids face à celle des banlieues et des campagnes blanches.

Dans l'ouest intérieur du pays, le vice-président sortant est battu à plate couture presque partout. Il n'y a guère que les grandes villes pour le soutenir, accompagnés des minoritaires. A l'exception d'une demi-douzaine de comtés urbains, on peut recenser les (rares) comtés démocrates de l'ouest américain en deux catégories : les comtés hispaniques (du Texas à l'Arizona et au Colorado), et les comtés dominés par les indiens d'Amérique, qu'on retrouve dans les hautes plaines des Dakotas au Montana, et qui jouent également un rôle important à la frontière du Nouveau Mexique et de l'Arizona.

Le paramètre ethnique est moins lisible en Californie où il se confond avec l'urbanité. En revanche, il est prédominant dans les deux états extérieurs de l'Union : Hawaii, majoritairement peuplée de polynésiens, soutient clairement le démocrate, alors qu'en Alaska, la population indigène, lorsque présente, mitige largement le score massif de George Bush auprès des pionniers et des immigrés récents de la région d'Anchorage.

Pierre Dessemontet